Comment le Sénégal a adapté la prise en charge des patients atteints de COVID-19

Comment le Sénégal a adapté la prise en charge des patients atteints de COVID-19

Dakar – Avant la survenue d’une deuxième vague d’infections par la COVID-19, dont le pic a étét atteint en février dernier, le Sénégal avait entrepris de renforcer ses capacités e traitements des malades. Le professeur Daye Ka, spécialiste des maladies infectieuses et tropicales et membre du groupe de gestion de la COVID-19 au niveau national, explique comment le pays s’y est pris.

Quelles mesures particulières de la prise en charge ont été déployées pour faire face à l’augmentation des cas ?

Lors de cette deuxième vague, en février 2020, une augmentation du nombre de cas de COVID-19 a été constatée sur l’étendue du territoire national avec une moyenne quotidienne d’environ 300 cas. En conséquence, nous avons été confrontés à une tension au niveau de l’occupation des lits et surtout des lits de réanimation. Lors de cette deuxième vague, le nombre de lits avec oxygène était de 311 avec un taux d’occupation de 73%, et nous disposions de 76 lits de réanimation avec un taux d’occupation de 56%. Nous en avons ajouté une vingtaine à Dakar et dans les régions. La production d’oxygène, en quantité et en qualité, était aussi mise à rude épreuve. Des « shelters » ont donc été mis en place dans certains centres de traitement des épidémies (CTE) à Dakar et dans les régions, et davantage de bouteilles d'oxygène ont été mises à disposition pour répondre à d’éventuelles ruptures de production. 

Lors de la deuxième vague, l’augmentation du nombre de cas a entraîné celle du nombre de décès. Ces décès survenaient le plus souvent chez des patients âgés et/ou avec comorbidités telles que l’hypertension artérielle, les maladies cardio-vasculaires, le diabète, l’obésité, l’asthme et les maladies pulmonaires chroniques.

Pour améliorer la prise en charge des patients et réduire la mortalité, il a été décidé d’augmenter de la capacité litière, notamment les lits de réanimation, mais aussi d’impliquer d’autres spécialistes à la prise en charge. Il s’agissait essentiellement de réanimateurs, de pneumologues, de cardiologues, de diabétologues, de néphrologues, de gériatres, de gynéco-obstétriciens et de pédiatres. Nous avons aussi élaboré des algorithmes et des protocoles de prise en charge. Ces algorithmes servent d'une part à décider de l'hospitalisation des patients (dans les CTE) ou de les suivre à domicile, et d'autre part de décider du type de traitement en fonction du degré de sévérité selon une classification en formes légères, formes modérées, formes sévères et formes critiques et en fonction des comorbidités.

Enfin, la supervision des centres de traitement COVID-19 a permis d’identifier les points forts et les points à améliorer pour combler les manques en termes de matériel, d’équipements et de ressources humaines.

Comment est-ce que ces mesures ont été appliquées et quel a été l’impact ?

Tous les acteurs de la prise en charge au niveau national, que ce soit à domicile ou dans les CTEpi, ont été formés sur les algorithmes et les protocoles de prise en charge. Par la suite, tous ces supports ont été partagés à tous les niveaux de la pyramide sanitaire.

Devant la multiplication des cas graves, un « hub » de réanimation avait été mis en place, mais n’a pu être utilisé du fait de la baisse du nombre de cas. Ce hub est un espace extrahospitalier qui avait été utilisé lors de la première vague pour la prise en charge de cas simples et qui, par la suite, a été transformé en centre de traitement des cas graves.

Concernant l’impact de ces mesures, leur application a coïncidé avec la baisse du nombre de cas et parallèlellement avec celle du nombre de décès. Il nous est donc difficile de corréler cette baisse de la mortalité à l’application de ces mesures. Il faut une analyse plus approfondie et avoir un peu plus de recul pour en juger.

Quelles leçons ont été tirées à la suite du dispositif mis en place contre la deuxième vague ?

Après la mise en place de ces différentes mesures, nous avons tiré plusieurs leçons. Premièrement, il est important de partager les protocoles et les procédures de prise en charge avec tous les acteurs du secteur de la santé. Ensuite, il faut impliquer plusieurs spécialistes pour une meilleure prise en charge de la COVID-19, puisque les plus touchés sont les patients présentant des comorbidités. Trosièmement, il nous a fallu orienter régulièrement tous les acteurs de la prise en charge pour optimiser celle-ci à mesure que la science avançait sur la connaissance du virus et les thérapies. Par ailleurs, la prise en charge des patients aurait été moins efficace sans un renforcement des ressources humaines, notamment les réanimateurs. L’augmentation de la production d’oxygène, tant en quantité qu’en qualité, a joué un rôle important, grâce à un meilleur équipement des CTEpi en lits de réanimation. Dernièrement, nous avons renforcé les moyens diagnostiques et de suivi, en particulier la biologie et l’imagerie.

Quels aspects de la réponse à la pandémie doivent être renforcés pour éviter une nouvelle flambée de cas ?

Pour éviter une nouvelle flambée de cas, il faut agir à plusieurs niveaux. D’abord, il s’agit de renforcer la surveillance à tous les niveaux pour une détection rapide des cas, ce qui permet de les isoler et d’améliorer leur suivi. Dès la première vague, le Sénégal a opté pour la prise en charge à domicile des cas simples sans comorbidités et âgés de moins de 60 ans, afin de décongestionner les centres de traitement des épidémies (CTEpi). Il faut donc assurer une bonne prise en charge des cas à domicile avec un respect des mesures de protection et de contrôle des infections afin de limiter la propagation du virus. Par ailleurs, les cas contacts doivent être suivis et, surtout, la couverture vaccinale doit être la plus large possible, en particulier concernant les personnes à risque. Enfin, malgré la fatigue qui peut gagner la population, il faut renforcer les mesures de prévention, notamment les mesures barrières comme le port de masque et la distanciation physique, et sensibiliser davantage la population sur la maladie en impliquant les communautés.

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